Philippe Croizon : « Quand j’ai vu les projets d’Elon Musk, je me suis dit pourquoi pas moi ? « 

18/06/2021

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INTERVIEW.

Amputé des quatre membres, Philippe Croizon (dont le leitmotiv est « tout est possible ») a déjà réussi à traverser la Manche à la nage et à réaliser le Paris-Dakar. Son prochain rêve est de d’embarquer à bord de la capsule Crew Dragon de Space X pour s’envoler à 400 km au-dessus de la Terre. De passage à Toulouse pour une conférence à la Cité de l’espace, il revient pour La Tribune sur ce nouveau défi et comment il travaille avec la filière spatiale pour l’accomplir.

LA TRIBUNE : Comment vous est venu ce rêve d’aller dans l’espace ?

PHILIPPE CROIZON : C’est un rêve de gamin. Je passe des nuits dehors à regarder les étoiles même si je me fais manger par les moustiques. Et pour réaliser ses rêves, je pense qu’il faut toujours tenter sa chance. Il y a quelques années, j’avais écrit à Richard Branson en lui disant que j’aimerais bien aller dans l’espace, mais il ne m’a jamais répondu. Donc quand j’ai vu le programme spatial d’Elon Musk, je me suis dit pourquoi pas moi ? J’ai fait un tweet deux mois avant Noël en disant si j’arrive à 50.000 followers à la fin de l’année, je contacte Elon Musk. Deux heures plus tard, j’avais atteint 54.000 followers. J’ai donc envoyé ce tweet à Elon Musk. « Hello, je suis un célèbre aventurier français sans bras ni jambes. Envoyez-moi dans l’espace pour montrer une fois de plus que tout est possible. » Il m’a répondu en disant « un jour nous t’emmènerons voler sur Starship ». Nous avons continué la discussion en message privé et depuis nous sommes en contact permanent.

Mais l’aventure ne s’est pas arrêtée là…

Il m’a mis en contact avec Jared Isaacman (patron et fondateur de l’entreprise Shift4Payments, ndlr) qui va être le vrai premier touriste spatial. Il ne va pas faire comme Jeff Bezos, le patron d’Amazon qui va partir pour quelques minutes. Dans le cadre de la mission Inspiration 4, Jared Isaacman participera à un vol spatial de trois jours à 400 km d’altitude (comme l’ISS) à bord de la capsule Crew Dragon de Space X. Je serai présent au décollage prévu le 15 septembre à Cap Canaveral puis trois jours après pour l’amerrissage. Nous allons passer une soirée tous ensemble où ils vont nous expliquer ce qu’ils ont vécu pendant ces trois jours et rêver encore plus. Ensuite, nous passerons un moment ensemble avec Jared et Elon Musk pour voir comment il est possible d’envoyer un gars comme moi dans l’espace. 

Pourquoi venir à Toulouse pour vous préparer à accomplir ce rêve spatial ?

Ma venue à Toulouse me permet de m’enrichir, d’en apprendre plus sur l’espace. Bien sûr, je suis comme comme beaucoup de gens, je regarde à la télévision, je vois ce qui se passe, mais je n’ai pas cette culture scientifique de la conquête spatiale. C’est l’entreprise Comat qui m’a contacté pour venir à Toulouse. J’ai passé une journée chez eux pour voir comment est-ce qu’on peut adapter des sortes de prothèses pour que je puisse me mouvoir dans la capsule. Il faut quand même trouver des systèmes pour que je puisse avoir de la préhension pour vivre cette expérience de trois jours dans l’espace. L’idée est d’arriver à Cap Canaveral en septembre avec déjà une liste de deux trois solutions et penser à comment mettre en place une aide humaine dans l’espace puisque dans la vie de tous les jours j’ai besoin d’une aide humaine en permanence. 

J’ai eu aussi la chance de pouvoir aller au Cnes où j’en ai pris plein les yeux avec la visite de la salle de commandement (située au sein du Cadmos qui pilote les expériences menées par Thomas Pesquet dans l’ISS, ndlr). J’ai même vu Thomas passer à un moment donné et rentrer du sport. C’était assez impressionnant à vivre. Et après bien sûr, la Cité de l’espace pour en apprendre encore davantage.

L’Esa et la Nasa ont ouvert récemment les candidatures d’astronautes à des personnes handicapées. Qu’est-ce que cela peut apporter ?

Cela peut apporter énormément et surtout un changement de regard sur notre société. Je ne suis pas une personne handicapée mais une personne capable autrement. Aujourd’hui, avec la technologie et les gens qui nous accompagnent, nous sommes des personnes capables autrement. Il y a aujourd’hui des jeunes qui ont bac+3 ou bac+5 et qui ne demandent qu’une seule chose, ce qu’on m’a accordé pour traverser la Manche, c’est-à-dire la confiance qu’ils méritent. Aujourd’hui, tout est possible. Personne ne peut dire aujourd’hui dans une entreprise qu’il ne veut pas embaucher une personne capable autrement. Le fait que la NASA et l’ESA fassent cet appel aux personnes à mobilité réduite d’intégrer le programme, c’est la plus belle des victoires. Cela veut dire qu’encore une fois, tout est possible et qu’on va montrer que le vivre ensemble est jouable. Dans toutes les aventures que j’ai réalisées, que ce soit pour la traversée de la Manche ou le Dakar, je dirais que 99% des gens disaient, Philippe ce n’est pas possible. Arrête de rêver. Mais encore une fois, tout est possible aujourd’hui dans nos sociétés. Ce que les gens ont du mal à comprendre,ce qui était impossible une minute auparavant, devient faisable puisque la technologie va tellement vite.

Source : La Tribune

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